Appel et radiation : l’arrêt de l’exécution provisoire reste possible
- Julien DESOMBRE
- 19 mai
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Cass. civ. 2e, 6 mars 2025, n° 22-23.093, F-B
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de cassation remarqué le 6 mars 2025, à propos de l’articulation entre la radiation du rôle et la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, dans une procédure d’appel. L’arrêt confirme une position jurisprudentielle constante mais trop souvent méconnue, tant par les juges que par les praticiens : la radiation du rôle ne fait pas obstacle à une demande d’arrêt de l’exécution provisoire.
Le contexte : radiation d’appel et exécution en cours
L’affaire concernait un appel interjeté par un débiteur condamné en première instance au paiement de sommes, décision assortie de l’exécution provisoire. Faute d’exécution ou de consignation, un Conseiller de la mise en état avait ordonné la radiation du rôle, conformément à l’article 526 ancien du Code de procédure civile.
Postérieurement à cette décision de radiation, l’appelant avait sollicité devant le Premier Président de la Cour d’appel l’arrêt de l’exécution provisoire, invoquant le risque de conséquences manifestement excessives, sur le fondement de l’article 524 ancien du Code.
Le Premier Président a déclaré cette demande irrecevable, considérant que la radiation rendait la demande sans objet. C’est cette analyse que la Cour de cassation vient censurer.
Le principe rappelé : la radiation ne suspend pas les droits de l’appelant
Par une motivation claire et structurée, la Cour de cassation réaffirme que la radiation du rôle « ne fait que suspendre l’instance » et ne fait nullement obstacle à ce que soit prononcé l’arrêt de l’exécution provisoire :
« En statuant ainsi, alors que la radiation du rôle de l'affaire […] ne fait pas obstacle à ce que soit prononcé l'arrêt de l'exécution provisoire […], le premier président, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé les textes susvisés. » (Cass. civ. 2e, 6 mars 2025, n° 22-23.093)
En d’autres termes, même radiée, l'instance d'appel reste juridiquement pendante. Le justiciable conserve le droit de solliciter les mesures de sauvegarde prévues par la procédure, notamment l’arrêt de l’exécution provisoire, si les conditions sont réunies.
Cet arrêt est certes rendu en l'état du droit antérieur au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, mais il n'en demeure pas moins pertinent au regard du principe de suspension de l'instance résultant de la radiation. La radiation ne purge pas la procédure ni les droits de l’appelant à demander la suspension de l’exécution.
Portée pratique : vigilance dans la pratique de la procédure d’appel
Cet arrêt présente un intérêt stratégique important pour les avocats postulants. Il confirme que :
La radiation du rôle n’éteint pas l’instance, elle la suspend.
L’appelant peut, même après la radiation, agir pour obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire.
Le Premier Président ne peut refuser d’examiner cette demande par un simple motif d’irrecevabilité tiré de la radiation.
Cette solution protège les appelants confrontés à une exécution risquée, notamment lorsque la situation matérielle ne leur permet pas d’exécuter le jugement avant de faire valoir leurs arguments en appel.
Conclusion : la radiation ne vaut extinction des droits procéduraux
La Cour de cassation, fidèle à sa jurisprudence antérieure (v. Cass. civ. 2e, 9 juill. 2009, n° 08-13.451 et n° 08-15.176), insiste sur une vérité procédurale parfois négligée : l’appel reste vivant tant qu’il n’est pas éteint. La radiation n’en est qu’un épisode, réversible, et surtout sans effet extinctif sur les demandes annexes comme l’arrêt de l’exécution provisoire.