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Vente immobilière et délivrance conforme : Une lecture stricte de l’effet translatif de propriété

  • Julien DESOMBRE
  • 28 juin 2023
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 7 mai


Suivant un arrêt du 25 mai 2023 (Cass. civ. 3, 25/05/2023, n°22-12.870, FS-B), la Cour de cassation fait application d’un principe de droit qui n’est pas sans poser quelques difficultés éthiques et professionnelles, sur l'effet immédiatement translatif de propriété du contrat de vente.


Interrogée au titre de l'obligation de délivrance conforme qui pèse sur le vendeur d'un terrain vendu comme étant constructible, la Cour de cassation estime que les modifications du plan local d’urbanisme (PLU) adoptées mais non encore publiées à la date de réitération de l’acte authentique de vente, ne modifie pas les caractéristiques du bien et n’implique donc aucune garantie du vendeur.


En l'espèce, il est vendu un terrain à bâtir à un acquéreur par acte authentique le 31 janvier 2012. Dans le cadre de l’instruction de la vente, un certificat d'urbanisme a été demandé et obtenu préalablement à la signature, le 9 janvier 2012. Il est alors indiqué que le terrain est classé en zone Ui du PLU, approuvé le 15 juin 2006 et mis en révision le 29 avril 2008. C’est en l’état de ces informations transmises par le notaire et le mandataire du vendeur que l’acquéreur devient propriétaire.


Or suivant délibération du 27 janvier 2012, le Conseil municipal adopte quelque jour avant la vente, une modification du PLU en cours de révision et classe désormais le terrain en zone AN et AH, rendant ainsi celui-ci inconstructible. La publication de cette délibération est intervenue, peu après, le 9 février 2012 de sorte que l’acquéreur a donné son consentement à l’acquisition en ignorant l’état modifié du bien vendu.


L'acquéreur a alors assigné la venderesse en paiement de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de délivrance conforme de la chose vendue et inapplicabilité de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat, ainsi que le notaire pour manquement à son devoir de conseil.


Dura lex, sed lex. La décision apparaît tel un très sévère couperet. La Cour de cassation retient ainsi que le respect de l'obligation de délivrance conforme du vendeur d'un terrain vendu comme étant constructible s'apprécie à la date du transfert de propriété, au regard des dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur à cette date, les modifications adoptées antérieurement par délibération du conseil municipal mais non encore publiées n'étant pas applicables.


En d’autres termes, faute de publication de la délibération du Conseil municipal, le bien vendu était bel et bien un terrain à bâtir au jour de sa délivrance. Les conséquences sont bien évidemment directes :

- D’une part, le vendeur, qui ignore l’état de la délibération, n’est tenu à aucune garantie,

- D’autre part, le notaire et le mandataire en charge de la vente n’ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité professionnelle.


Ainsi, d’une telle solution de pur droit, relevant d’un raisonnement juridique parfaitement régulier, il résulte une situation de fait parfaitement inique et incompréhensible pour l’acquéreur, qui voit :

- Son intention dévoyée,

- Son consentement surpris par un « aléa » de dernière minute,

- Sa confiance donnée au professionnel dans la protection de ses droits, mise à mal,

- Son regard sur l’équilibre du contrat et la sécurité juridique anéanti.


Cette décision met en évidence la nécessité d'une réflexion approfondie sur les mécanismes de protection des acquéreurs dans de telles circonstances. Une protection de l’aléa de dernière minute ne serait pas impensable, notamment par analogie avec les dispositions de l’article 1975 du code civil applicable aux ventes en viager. Pour mémoire, le décès du vendeur dans les 20 jours de la vente entraîne la nullité de la vente dès lors qu’il est démontré que le vendeur était d’ores et déjà atteint de la maladie ayant causé directement ou indirectement son décès.


Par ailleurs, l'arrêt soulève des questions quant à l'efficacité du rôle du notaire et du mandataire en transaction immobilière, dans la vente. Bien entendu, les professionnels et leurs assureurs sont extrêmement soulagés de ne pas supporter le risque d’une modification de contexte de dernière minute alors même qu’ils se sont montrés diligents dans la recherche d’information. Pour autant, cette décision met en lumière les limites du devoir d’information et de conseil.


En effet, le simple fait de savoir que le PLU est en cours de révision depuis quatre ans ne saurait faire surgir dans l’esprit d’un justiciable l’état des risques qui pèsent sur l’opération projetée. Ce qui pour un justiciable constitue un « aléa » de dernière minute, ne l’est pas nécessairement pour un professionnel. C’est la distinction entre le justiciable et le professionnel et c’est donc la plus-value du professionnel. C’est le sens même de son rôle dans la vente.


Dès lors, s’il ne peut être reproché au vendeur d’avoir une connaissance exacte de l’évolution des modifications du PLU depuis 2008, il semble que le mandataire en transaction immobilière, ainsi que le notaire, auraient dû informer l’acquéreur sur l’état de l’enquête publique en cours et les risques envisageables de modification pesant sur la parcelle.

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